Temps de lecture : 4" Le secteur des Legal Tech sort renforcé de la crise, où il a su habilement faire connaître ses produits auprès de professions juridiques devant mettre en place leur transi...
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Comme nous l’avions évoqué dans un premier article au printemps dernier, les start-up de la Legal Tech ont proposé gratuitement leurs services lors des premiers temps du confinement, ce qui leur a permis de se faire connaître mais aussi de capter des nouveaux clients. Les structures qui avaient déjà amorcé ou finalisé leur transition digitale ont pu tester la solidité de leurs outils et les autres ont pu en mesurer la nécessité. Selon le Baromètre Wolters Kluwer / Maddyness des legaltechs françaises, tendances 2020 menée en janvier 2021 auprès de 83 start-ups, la crise a eu un impact positif sur l’offre de services de plus de la moitié (50,6%) des start-ups de la Legal Tech. Dans le détail, la crise actuelle a eu pour conséquences :
– le développement de nouveaux services (24,7 %)
– un pivot définitif de l’offre de services (4,9 %)
– le décalage de sortie de certaines fonctionnalités (7,4 %)
– l’avancée du développement de certaines fonctionnalités (17,3 %)
– la création de fonctionnalité spécifiques à la gestion de la crise (8,6 %)
Toutefois, cet impact positif ne s’est pas forcément traduit dans les chiffres :
– Les créations de start-ups sont en forte baisse : 3,6% en 2020 versus 21,7% en 2019
– 14,8% d’entre elles ont dû décaler des recrutements
– Un impact négatif côté clientèle pour 59,3% d’entre elles, avec notamment des cycles de vente plus longs (39,5%) et des clients moins nombreux pour 18,5% d’entre elles. Il faut toutefois noter que 21% d’entre elles ont eu plus de clients en 2020.
– 2020 a vu une baisse de plus de 65% du montant des levées de fonds puisque 17,8 millions ont été levés versus 52,1 millions en 2019. Pour les commanditaires du baromètre, cette baisse peut être reliée à la crise mais s’explique surtout par une année 2019 particulièrement faste pour le secteur et la « consolidation du secteur autour d’une dizaine d’acteurs désormais bien installés. ». Il existe une grande hétérogénéité dans ces levées puisque seules 7 des Legal Tech ont levé plus de 1 million d’euros en 2020 (pour un total de 14,3 millions € versus 42,5 millions en 2019) tandis que les autres s’étalent entre 100.000 et 500.000€. La médiane s’établit à 600.000€ soit un tiers de moins du montant de 2019. Les start-ups les plus attractives restent celles orientées B to B (44,2%) et avocats (27,9%) et notamment celles proposant des services liés à la digitalisation des processus métier. Les montants levés par les Legal Tech restent très faibles par rapport aux autres secteurs et seules 15% d’entre elles ont levé plus de 3 millions depuis leur création. La plus grosse levée effectuée par une Legal Tech, LegaLife est de 5,2 millions d’€ soit 2% du plus gros tour de table (les 255 millions levés par Mirakl).
En incluant à ce baromètre, les résultats d’un sondage mené récemment par l’association Open Law et présentés lors d’un webinar des rdv français de la transformation du droit on constate que le monde des Legal Tech a profondément évolué :
– Alors 42,6% des Legal Tech proposaient des services aux particuliers en 2018, elles ne sont plus que 9,6% à le faire en 2020 selon le baromètre WK/Maddyness. Seuls 6% des services commercialisés concernent la défense des droits des particuliers. 49,4% des clients des Legal Tech sont aujourd’hui des entreprises, 25,3% des avocats (en hausse), 7,2% des notaires et 2,4% des huissiers.
– La digitalisation des processus métiers est le service le plus proposé en 2020 (42,2%) en forte augmentation puisqu’il représentait 19,1% des services proposés en 2019. Ce service est suivi de très loin par la création/gestion d’entreprises (9,6%), la création d’actes (8,4%) et la mise en relation (8,4%). (Baromètre WK/Maddyness)
– Le chiffre d’affaires déclaré par les Legal Tech reste encore très faible : 57,8% d’entre elles dégagent moins de 1 million de CA/an. Elles sont toutefois assez optimistes sur leurs perspectives de croissance, puisque 61,3% d’entre elles envisagent d’embaucher entre 1 à 5 personnes et 10,8% prévoient d’exporter leur solution hors de France dans les 3 prochains mois. (Baromètre WK/Maddyness)
– Alors que le secteur juridique était au départ très réticent à ces nouvelles technologies, les 2/3 des répondants du sondage d’OpenLaw déclarent avoir aujourd’hui pour actionnaire un professionnel du droit. Il faut toutefois noter que dans le baromètre de Wolters Kluwer et Maddyness, les professionnels du droit ne représentent que 5,9 % des investisseurs, les notaires 11,8% et les experts-comptables 5,9%. 41,2% des investisseurs sont des business angel et fonds d’investissement.
– Près de la moitié des start-ups (45,8%) interrogées dans le cadre du baromètre ont conclu un partenariat avec un grand groupe ou d’autres professionnels et 53% n’envisagent pas de le faire.
– Plus d’un quart des start-ups ayant répondu au baromètre WK/Maddyness indiquent avoir engagé une démarche RSE, chiffre qui augmentera sans doute dans les années à venir
– Pour la moitié des sondés d’OpenLaw, le cadre juridique actuel n’est pas propice au développement de leur activité, notamment au regard du partage des honoraires avec les professionnels du droit ainsi que l’ouverture du capital de leurs structures. En comparaison, 16% des start-ups ayant répondu au baromètre Wolters Kluwer/Maddyness ont quant à elle déclaré se heurter à des freins règlementaires (open data, périmètre des professions réglementées, non-ouverture du capital des cabinets d’avocats et interdiction de l’apport d’affaires, obsolescence du règlement eiDAS).
Lors du webinar sur la transformation du droit et le futur de la Legal Tech du 21 janvier, Elodie Guennec, adjointe au chef du bureau du droit processuel et du droit social à la Chancellerie a présenté Certilis, la démarche de certification des services en ligne de médiation et arbitrage. Cette procédure, facultative, permettra selon elle de faciliter le choix des utilisateurs et pourra être utilisée par les plateformes pour se mettre en avant. Si les critères du référentiel de certification sont déclarés remplis par l’audit, alors un certificat sera délivré pour une durée de 3 ans puis renouvelé via un audit de suivi. L’un des critères majeurs à respecter pour bénéficier de cette certification sera notamment de faire reposer la médiation sur une intervention humaine et pas sur un seul algorithme. Il faudra également respecter les obligations plus générales imposées à tous les services en ligne, c’est-à-dire d’accomplir la mission avec impartialité, compétence, diligence, respecter les données personnelles et la confidentialité.
Il est possible que ce genre de certification ait vocation à être étendu à d’autres services en ligne à l’avenir, ce qui est souhaitable selon Christophe Roquilly, directeur de l’Institut du Droit Augmenté à l’Edhec : « si je trouve qu’il est inutile de mettre des barrières à l’entrée, il faut en revanche être exigeant sur l’éthique. Les algorithmes doivent être conçus suivant des règles, sans quoi la méfiance à l’égard des acteurs de la legaltech grandira. Alors, soit ils acceptent de rendre les algorithmes transparents, soit ils décident de s’auto-déclarer éthiques, soit ils passent au crible d’une logique de certification par un organisme indépendant. » (Décideurs).
Pour Christophe Roquilly, le développement de l’usage des Legal Tech au sein des cabinets d’avocats et directions juridiques implique une modification des compétences recherchées pour les juristes de demain qui auront besoin « d’augmenter leur intelligence spécifique par des compétences numériques, comportementales et économiques ». L’institut a donc travaillé avec l’AFJE sur un référentiel de compétences recherchées tant au moment du recrutement que pour la progression au sein de la structure. Si les compétences prioritaires au moment du recrutement relèvent plus de savoir-être comportementaux :
– Gérer son stress
– Donner et recevoir des feedbacks
– Exprimer sa reconnaissance…
…ce sont les compétences numériques qui sont attendues de manière écrasante pour progresser :
– Identifier/tester les nouveaux outils Legal Tech
– Utiliser des outils de knowledge management
– Utiliser des outils de dashboard pour optimiser la gestion financière de son activité…
Pour Dan Kohn, membre d’Open Law, le principal axe de développement des Legal Tech en 2024 sera celui de l’exploitation de la donnée, prédiction qu’on peut sans doute lier à l’ouverture prévue des données de justice.
Pour Philippe Laurence, responsable des affaires publiques de Doctrine, les années à venir verront vraiment l’avènement de solutions basées sur l’intelligence artificielle grâce à l’ouverture des données publiques. Selon lui, l’IA pourra identifier les risques dans la rédaction d’un contrat par rapport à une autre, analyser le ton d’un message et conseiller de l’adoucir, quantifier les risques liés à un litige…Pour autant, ces mutations ne vont pas conduire à une disparition des avocats ou des juristes mais vont « leur permettre de se concentrer sur les tâches à forte valeur (relations clients, appréciation des risques, stratégies…). ».
On peut également penser aux outils de justice prédictive qui, pour l’avocat Benjamin English, » vont permettre d’apporter une nouvelle dimension scientifique à l’appréhension du droit et du raisonnement juridique. » (Décideurs)
Créée en 2019, la ‘taskforce’ Legal Tech regroupe déjà 39 start-ups au sein du réseau France Digitale et s’est fixée pour objectif principal de faire émerger des champions français du secteur. Cyril de Villeneuve, animateur de ce groupe souligne lors du webinar que la task force a été très active en 2020 en proposant notamment un certain nombre de tests gratuits de produits lors du premier confinement, en participant au groupe de travail de la chancellerie sur l’open data et au rapport Avia sur la numérisation de la justice. La mise en réseau a également permis de conclure des partenariats comme celui entre Info Greffe et Call A Lawyer ou Dalloz et Case Law Analytics.
Christophe Roquilly avait émis des réserves sur ce groupement dans une interview donnée à Décideurs : « jusqu’à quel degré pourront-ils se fédérer ? Il y a entre eux une importante concurrence. Jusqu’où peut-on chasser en meute ? »
On peut aussi rappeler l’existence de l’association AvoTech, regroupant des avocats ayant créé une start-up liée au secteur juridique, et dont le nombre de membres est passé de 10 à 50 en 3 ans.
Fabrizio Papa Techera, directeur général délégué de Lexbase et membre de la taskforce, souligne lors du webinar qu’elle réunit des offres très diverses et pouvant utilement se compléter pour apporter de la plus-value aux clients. Les start-ups ont de nombreux points communs et peuvent rapidement être interopérables, preuve en est du projet registregeneral.com, fruit notamment de l’alliance de Séraphin, easyquorum et deepblock.
Dans une interview à LJA, Grégoire Debit, CEO de Closda quant à lui émis des prédictions plus précises sur l’avenir du secteur : « la France compte actuellement 250 legaltechs. C’est en volume ledeuxième marché au monde. Ce chiffre devrait décroître et la tendance serait plutôt à l’association des acteurs les plus performants par secteur d’activité. L’objectif est d’acquérir une plus grande solidité économique et d’offrir aux clients une offre de service complète et interopérable. Avocats et directeurs juridiques sont favorables à ces associations car la multiplication des outils est souvent présentée comme un obstacle engendrant des difficultés d’adoption et des coûts supplémentaires. Il est donc nécessaire d’intégrer au sein d’une poignée de logiciels l’ensemble des outils répondant aux besoins essentiels d’une pratique juridique.»
Il est également possible que des alliances transfrontalières se créent, facilitées par les similarités des systèmes juridiques même si pour Christophe Roquilly : « Il faudrait un mouvement européen pour financer l’émergence de la legaltech européenne. Pour l’instant, il n’y a rien de ce point de vue-là. » (Décideurs)
La crise est-elle est accélérateur de la transformation numérique, Vidéo, Juillet 2020
Les nouveaux acteurs et les nouveaux produits de la Legal Tech, Décideurs, 2020
Les Legal Tech, Banque des Territoires
Observatoire des solutions Legal Tech, Village de la Justice, Mis à jour régulièrement
Base de données sur les Legal Tech mondiales, Day One
Pourquoi le marché Legal Tech a-t-il du mal à se structurer, Banque des Territoires, Janvier 2021
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