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Une crise qui fera le tri
Dans un récent article du Monde du Droit, Martin Bussy, fondateur de Legal Innovation, soulignait qu’était venu le « moment de vérité pour l’innovation sur le marché du droit ». Selon lui, cette crise fera la sélection entre les Legal Tech solides financièrement, au modèle économique et services éprouvés, qui auront su tirer toutes les opportunités de cette crise et les autres qui risquent de disparaître avec la raréfaction des financements. Il n’est pas anodin qu’en plein milieu de crise, la start-up Seraphin Legal, spécialiste de la transformation numérique des directions juridiques, ait réussi à lever 2 millions d’euros ou que Closd, plateforme de gestion d’opérations juridiques collaborative en ait levé 600.000 !
Plusieurs tendances commencent à se dessiner
Le 14 avril dernier, Village de la Justice, l’AFJE et Day One ont organisé un webinar intitulé « Accélérez votre transformation digitale grâce aux Legal Tech ». Plusieurs tendances majeures se sont démarquées :
La crise est un facteur de forte croissance pour le secteur
Les entrepreneurs interrogés constatent depuis le début de la crise une forte croissance de la demande de leurs produits, sans doute poussée par la mise à disposition gratuite de leurs services pendant une durée déterminée voire jusqu’à la fin du confinement. Signaturit, solution de signature électronique a ainsi vu son activité augmenter de 212% depuis le début de la crise, notamment grâce à l’offre d’essai offerte d’un mois et le décret autorisant ce mode de signature pour les notaires. Visio-avocats, solution de consultation à distance cryptée et de mise en relation lancée en 2019 par un avocat lyonnais a également connu une forte hausse de fréquentation.
« Il y a eu une explosion des demandes. Des problèmes juridiques techniques nouveaux ont surgi (baux commerciaux, impayés, force majeure…) pour les directeurs juridiques. Notre réseau a explosé car beaucoup de confrères sont en confinement et notre rôle est de leur dire de saisir cette opportunité pour développer leur clientèle. Même si l’appel de 30 minutes est gratuit, on constate une transformation plus importante des leads. » (Mathieu Davy, Call a Lawyer, Plateforme de mise en relation qui a conclu un partenariat avec Infogreffe pour aider les chefs d’entreprises en difficulté)
« Nous avons mis en place la possibilité de tester gratuitement notre solution et l’on n’a jamais eu autant de leads que depuis 15 jours. » (Cyril de Villeneuve, CEO de Gino, plateforme en ligne de robotisation et gestion de contrats)
Des processus d’adoption accélérés
Antoine Micaud, le fondateur d’Easyquorum, une solution qui permet notamment d’organiser des Assemblées Générales en ligne et qui a effectué une levée de fonds de 500.000 euros en janvier, a constaté un passage à « des cycles décisionnels très rapides » alors qu’il lui fallait auparavant de 6 mois à un an pour convaincre les entreprises d’adopter son produit.
« Le 1er avril on a reçu un appel d’offre d’un grand groupe qui réfléchit à la mise en place des signatures électroniques depuis début 2019. Si on est choisi on devra mettre le projet en place à distance en un mois. Il a fallu que la crise arrive pour impulser le projet. » (Cyril de Villeneuve, Gino)
Des transformations qui vont s’inscrire dans la durée
« Les directions juridiques parlaient de digitalisation en général, sans savoir vraiment de quoi il en retournait. On est sur des métiers réfractaires au changement par rapport aux nouvelles technologies. Là on est sur des besoins concrets avec cas concrets. On n’a pas forcément beaucoup plus de temps ni de lignes budgétaires mais ces sujets qui étaient en dessous de la pile deviennent aujourd’hui urgents. Ce qui sera fait aujourd’hui ne sera plus à faire. Les Legal Tech, telles que les solutions de robotisation des contrats simplifient la vie des juristes et leur permettent de se concentrer sur leur vraie valeur ajoutée. J’imagine que ces nouvelles pratiques perdureront. Ce qui est aujourd’hui adopté sous la contrainte deviendra une vraie opportunité dans le futur. Ce mouvement de fond va nous faire changer de siècle. Il y aura un avant et un après. Les acteurs des legal tech doivent nous accompagner dans ces changements.» (Valérie Sanyas, Directrice Juridique de NAOS et déléguée régionale PACA de l’AFJE)
« Je pensais que les nouveaux clients n’utiliseraient l’outil qu’une fois alors qu’ils m’indiquent vouloir le tester sur un an. Ils ont longtemps parlé de digitalisation, aujourd’hui ils veulent la mettre en pratique. On se rend compte que les directions juridiques ont un peu de temps pour réfléchir à la direction juridique connectée et réalisent que c’est le moment de tester des outils. Les professionnels ont plus de temps pour initier leur propre transformation numérique et tester des outils de gestion de son cabinet, d’automatisation, de captation clientèle. C’est l’occasion pour la profession, qui vivait avant une crise sans précédent, d’explorer les outils numériques pour pivoter pour au moins maintenir son cabinet ou trouver des marchés de développement. Nos outils vont permettre de rendre plus réel l’évolution vers le télétravail qui va s’installer comme une norme. » (Antoine Micaud, Easyquorum)
« C’est le moment d’expérimenter. Les entreprises qui ont commencé cette digitalisation il y a quelques années/mois s’en félicitent aujourd’hui. D’autres, des grands groupes ont mis 15 jours à donner des ordis à leurs juristes, à les former aux outils…cela a été très pénalisant. Cette prise de conscience va les pousser à avancer vite sur ce sujet. » (Cyril de Villeneuve, Gino)
Concluons par ces mots très justes publiés par Juan Zamora CEO fondateur de Signaturit dans une tribune très complète publiée par le JDN : « À une époque où le plus grand risque consiste à rester les bras croisés, les dynamiques traditionnelles induites par la peur de l’échec ne sont plus d’actualité (…) Les entreprises doivent trouver un moyen de laisser derrière elles la peur du changement (…) Il s’agit désormais de donner la priorité à l’innovation et à la transformation technologique, ce qui permettra d’atténuer les conséquences de la crise actuelle. (…) En ce sens, deux objectifs urgents ne sauraient être évités : l’innovation dans les processus internes d’une part, et, d’autre part, l’application de solutions technologiques dans les relations clients. »
Alors que les structures vont chercher à réduire leurs coûts et optimiser le temps de travail de leurs collaborateurs, tous les indicateurs semblent au vert pour les Legal Tech. Est-ce que cela sera suffisant pour surmonter l’obstacle de la facturation à l’heure ? Réponse dans le prochain épisode de Wilo.
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