Théorisé en 2014 aux Etats-Unis par Margaret Hagan de l’université de Stanford, le Legal Design est en train de prendre son essor en France : création d’agences spécialisées, sommet international, expositions, formations dédiées, webinars, intégration dans le curriculum de l’EFB ou de l’ERAGE. Paris Jeunes Notaires a même lancé son premier concours de Legal Design en 2019.
Le Legal Design ne consiste pas, comme beaucoup peuvent le penser au premier abord, à transformer un texte en y rajoutant des visuels, des pictogrammes.
Le Legal Design est l’application du design thinking au droit. Le design thinking est une méthodologie, un « ensemble de pratiques qui consiste à revoir tout ce que l’on produit en se posant la question : vend-on au client parce qu’on en a l’habitude ou parce qu’il en a besoin ? Appliqué au droit : je donne au client une consultation de 15 pages parce qu’il la veut ou parce que j’en ai l’habitude ? Le legal design consiste à porter un regard sans concession sur ce décalage et à le combler, sans s’interdire aucun moyen» (Romain Hazebroucq, RH Visuels).
Tout bon processus de Legal Design débute en s’interrogeant sur la finalité recherchée telle qu’introduite par l’économiste Théodore Levitt : « Les gens ne veulent pas d’une perceuse. Ils veulent un trou dans leur mur ! ». Pour Fabrice Mauléon, « le client chez un avocat cherche autre chose qu’un référé, une clause…la technicité du droit n’est pas sa finalité.».
L’idée derrière le concept est de rendre le droit plus accessible avec des documents juridiques qui soient clairs et compréhensibles par des non-juristes.
Le Legal Design peut s’appliquer à tous les supports. On peut l’utiliser pour créer un site internet proposant une offre innovante, l’intégrer à des consultations, des réponses à appel d’offres, des CGV/CGU, contrats, newsletters, sites, FAQ, notes d’honoraires, biographies, rapports annuels voire supports de plaidoirie et conclusions.
La méthode la plus connue est celle du visual design ou design d’information. Elle est très utilisée, car elle permet de s’approprier beaucoup plus facilement les informations. Cette technique consiste à véhiculer l’information sous forme de pictogrammes, infographies, schémas, etc
Les Legal designers s’appuient également sur la technique du langage clair : « le langage clair, c’est parler pour que tout le monde nous comprenne et non pas utiliser un langage et des termes hermétiques qui ne sont connus que des initiés du droit. C’est aussi une marque de respect envers les citoyens et les clients qui doivent utiliser le système de justice. (Sondage Barreau du Québec, 2010). Cette technique vise à vulgariser le droit pour le rendre intelligible et lisible.
Le barreau des avocats du Québec a rapidement compris tout l’intérêt de cette technique et a créé dès 2008 un Comité du Langage Clair ainsi qu’un guide. Dans celui-ci, le bBarreau distille plusieurs conseils :
Le design de produit permet d’imaginer de nouvelles offres. C’est par exemple ce qu’a fait Alexandra Sabbe-Ferri avec mesindemnites.com, site permettant de calculer en net et brut les indemnités de rupture du contrat de travail. L’idée est de partir de l’identification d’un besoin et de proposer un service simple en réponse à celui-ci. C’est ce que font nombre de Legal Tech proposant des forfaits/tarifs fixes pour la consultation d’un avocat.
Enfin, le design de service permet de revoir entièrement la manière dont est rendu le service aux clients. Cela consiste notamment à se placer dans la peau du client, pour voir comment il accède à votre service, s’il lui est facile de rentrer en contact avec vous, comment se déroule la contractualisation de vos relations, puis la communication avec vous, les retours d’expérience…C’est ce qu’on appelle l’expérience utilisateur ou UX, processus bien connu dans le commerce B to C.
La première étape consiste à se mettre à la place de celui qui lira votre document ou utilisera le service et discerner ses besoins, envies et problèmes. Le juriste qui pratique le legal design doit se mettre dans la peau du non-juriste (ou du juriste non spécialiste pour une question relative à une compétence particulière). En pratique, cela consiste à mener plusieurs entretiens auprès des clients pour comprendre leurs attentes.
Puis il conviendra d’analyser les documents/services existants à l’aune de ces besoins et de proposer une solution rapidement, quitte à la modifier par la suite en fonction des retours que vous en aurez.
Le fil rouge de la démarche doit être de toujours se poser la question de l’utilité du produit pour l’utilisateur final ainsi que sa facilité d’utilisation.
« Je pense que pour être legal designer il faut être juriste, car je dois mesurer si ce que je fais garde intact le fond du droit ou si cela le modifie. Les meilleurs legal designers parmi mes clients sont des avocats qui ont de la bouteille, qui savent ce que veulent les clients » (Romain Hazebroucq, RH Visuels)
« On n’a pas besoin de savoir coder ou utiliser des logiciels. En réunion, vous pouvez dessiner sur un paper board c’est largement assez et ça rapproche les gens. Les Legal designers sont très différents. Il faut se concentrer sur là où vous avez des compétences. » (Miroslav Kurdov, SketchLex).
« Ce n’est pas moi qui fait le design, je travaille avec un designer spécialisé dont c’est le métier. J’ai surtout appris le langage clair et à rendre les docs limpides pour les dirigeants. » (Siham Ayadi Dubourg, Juridy).
« A chacun son métier. Des professionnels formés à ces sujets, disposant de compétences en créativité, en communication, en marketing et en design existent et peuvent permettre aux professionnels du droit d’aller plus vite et plus loin. » (Elodie Teisseidre, Clearcase).
Le choix dépend de chacun. Il est possible de se former au concept puis d’appliquer ses principes dans votre pratique quotidienne et/ou de vous appuyer sur des équipes spécialisées en graphisme et Legal Design. Le tandem studio créatif-juriste est une bonne solution.
« Je facture au forfait. J’explique au client que la partie graphique est facturée en supplément. On explique au client que c’est un gain de temps et que ça limite les risques juridiques. Je ne prends pas le même taux horaire en tant que graphiste qu’en tant qu’avocate, ça s’ajoute. » (Caroline Laverdet)
« Moi je ne le facture pas en plus car je travaille avec des designers. Pour moi c’est la valeur perçue qui permet de fidéliser mes clients, d’accroître le bouche- à- oreille et l’acquisition. » (Alexandra Sabbe-Ferri, Sagan)
« On peut mettre en place un abonnement à l’année en proposant de présenter les conclusions sous format powerpoint.» (Fabrice Mauléon)
Encore une fois, tout dépend de votre manière de procéder, de vos objectifs et du caractère vraiment différenciant de votre offre. Il est possible de mener une enquête auprès de vos clients pour tester l’idée et voir s’ils accepteraient de payer pour ce service supplémentaire.
Rendez-vous la semaine prochaine pour connaître tous les bénéfices que peut apporter le Legal Design à votre pratique du droit et du chiffre !
Law by design, Margaret Hagan
Fabrice Mauléon, Podcast Du Vent sous la Robe
Formation Barreau de Paris, Quelle méthode pour réussir à adopter simplement les techniques du Legal Design ? (Alexandra Sabbe-Ferri et Caroline Laverdet)
Webinaire Legal Design : Quelles opportunités ? (Romain Hazebroucq et Mirosav Kurdov)
Webinaire Relancer ses affaires grâce au maillage entre Legal Design et Stratégie de Business Developpement (Siham Ayadi Dubourd, Juridy et Lift)
Le Legal design : un nouveau champ d’exploration, Wilo
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Techniques and heuristics for improving the visual design of software