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04 Mar. 2021

Notaires : comment aborder concrètement sa communication ?

Notaires : comment aborder concrètement sa communication ?
  • Communication
  • déontologie
  • Notaires

Autant officiers ministériels que chefs d’entreprises, les notaires doivent communiquer pour se développer comme tout acteur économique. Si le bouche-à-oreille et les recommandations restent essentiels, les leviers de communication...

Temps de lecture : 4″

Une tribune de Pascal Mendak, directeur conseil chez Eliott & Markus.

Notaires : comment aborder concrètement sa communication ?

Autant officiers ministériels que chefs d’entreprises, les notaires doivent communiquer pour se développer comme tout acteur économique. Si le bouche-à-oreille et les recommandations restent essentiels, les leviers de communication pourront être déployés opportunément, dans le strict respect de la déontologie notariale. Beaucoup de notaires méconnaissent encore les possibilités offertes de s’exprimer, afin de mettre en valeur ses expertises et son savoir-faire, tout en satisfaisant aux règles professionnelles par la mise en place d’une véritable stratégie de communication, simple et efficace.

Publicité et communication : des frontières ambigües

Les ambiguïtés entre publicité et communication perdurent, et les débats dépassent largement la sphère juridique. Si l’on se rapporte au Règlement national des notaires, l’article 4.4.1 dispose que :

« Toute publicité à caractère personnel est interdite au notaire. Toute autre communication à l’attention du public peut faire l’objet d’un contrôle a posteriori par la chambre des notaires en vue de vérifier sa conformité aux règles déontologiques ».

Le Guide pratique de la communication publié en 2019 par le Conseil Supérieur du Notariat définit la publicité comme « un moyen de communication utilisant le plus souvent un support payant (espace publicitaire en presse, radio, internet, affichage…) pour le compte d’un émetteur ».

Quant à la publicité destinée à faire connaître le notaire en général et ses services, elle relève des instances représentatives de la profession [1] . Les prises de parole sur l’évolution de la profession et ses réformes, l’impact des textes ou projets sur la profession en général restent également du ressort des institutions professionnelles.

Qu’en conclure ? Au-delà de sa publicité personnelle, le notaire dispose de tout un espace d’actions possibles permettant à chaque office notarial, quelle que soit son importance, de s’exprimer et communiquer tout en respectant les règles déontologiques de la profession.

Les règles ont récemment évolué avec la possibilité pour le notaire de faire de la sollicitation personnalisée [2].

Comment communiquer ?

Avant toute action de communication, l’office notarial doit fixer les axes de sa stratégie, soit un ensemble d’actions et les moyens pour atteindre les objectifs définis. Si les fondamentaux doivent être rigoureusement respectés (mission de service public, obligation de réaliser les actes courants pour leurs clients, interdiction de faire de la publicité personnelle…), les notaires peuvent également développer leurs compétences et obtenir des certificats de spécialisation,[3] disposer de compétences en langues étrangères ou bien encore en médiation.

Cette étape préalable de réflexion, menée entre les associés, permettra de faciliter les prochaines phases de la communication. Elle pourra être utilement réalisée avec l’accompagnement d’un consultant en stratégie.

L’identité graphique

Le logo, et la création graphique déclinée sur tous les supports de l’étude print et web doivent refléter l’image de qualité et de fiabilité du notaire. Mais au-delà de ces principes de base, place à la créativité pour réaliser une identité différenciante qui pose et renforce l’image de marque qu’elle souhaite refléter. La conception de logo et de l’ensemble de la charte graphique de l’office notarial sera réalisée par un professionnel de la communication sélectionné par sa bonne connaissance de la profession notariale et de sa déontologie.

L’identité digitale

Tout office notarial peut « disposer d’un site Internet sous réserve d’avoir obtenu l’agrément de la chambre, de publier ce numéro d’agrément sur le site, de respecter la charte graphique créée pour l’étude et de se conformer aux règles déontologiques ».[4]

Comme le logo et la charte graphique qui en constituent même le socle, le site internet intègre un aspect « institutionnel notarial » propre à la profession du notaire. Au-delà des principes de bases, l’étude a toute latitude pour réaliser son site en adéquation avec les principes de déontologie de la profession. En quelques mots, l’étude doit exprimer ses valeurs, présenter ses services et ses spécificités dans un site répondant aux 3 exigences suivantes :  ergonomie optimisée, arborescence intuitive et pédagogie orientée client.  

Si le notaire n’est pas autorisé à se mettre personnellement en valeur dans son discours (nom de clients, chiffre d’affaires etc..), ni à faire appel aux prestations de référencement payant, il n’aura pas de meilleur référencement que celui qu’il conçoit via l’intégration d’un contenu régulièrement mis à jour, avec des mots-clés choisis avec pertinence, le tout reflétant les attentes de ses clients.

Au-delà des relations clients régulières, rien de mieux qu’une newsletter pour entretenir le lien. Procurant « une information sincère sur la nature des prestations de services proposés, elles doivent délivrer une information utile pour ses clients » : conseils pratiques, décisions de jurisprudence récentes en immobilier, fiscalité patrimoniale ou droit de la famille, elles peuvent être « spécialisées ou généralistes » [5]. Si les newsletters peuvent être alimentées par le contenu régulier publié sur le site internet (brèves, articles d’actualités juridiques, cas pratiques…), dans le Guide de la communication, le CSN conseille la mise en place d’un comité de rédaction au sein de l’étude pour assurer la direction de la publication. La ligne éditoriale (informations, générales ou non, articles de vulgarisation) sera définie et appliquée pour chacune des newsletters.

Sont en revanche à bannir les chats en live avec les clients…enfin, pour le moment.

La diffusion du contenu se réalisera également via les réseaux sociaux tels LinkedIn, Twitter et /ou Facebook, « vecteurs de communication sociale stratégique » [6]pour renforcer l’image de dynamisme et de services, ainsi que la valorisation de l’expertise de l’étude.

L’étude disposera de sa page « Entreprise » et les collaborateurs seront incités à disposer de profils LinkedIn et relaieront notamment les informations de cette page.

Inévitablement, la multiplication des échanges et des supports suscite quelques mises en garde sur la réputation de l’entreprise sur les supports numériques. Si elle peut être « une opportunité créatrice de valeur[7] », l’e-reputation de l’étude doit être particulièrement maîtrisée et être au cœur de sa stratégie digitale : visibilité de contenus à valeur ajoutée, prises de parole des collaborateurs sur les réseaux sociaux en cohérence avec l’image de la profession, surveillance du compte Google business et réponses rapides quel que soit l’avis de l’internaute…

Le bandeau de la page Facebook et LinkedIn reprendra l’identité du site, les pages réseaux intégreront bien sûr le logo et sa base line en cohérence avec le site ; il sera un complément naturel de l’identité digitale. Alimentées de façon hebdomadaire, les pages de Facebook ou de LinkedIn intégreront aussi bien les informations sur l’étude (recrutements, nouveaux services internes, que des actualités sectorielles rédigées ou non par les membres de l’étude.

Quid de Twitter ? Idéal pour la veille, il permet de renforcer son image dynamique, experte et réactive par des tweets permettant de partager l’actualité de l’étude et des news juridiques.

Instagram ? S’il a fait son apparition dans certains cabinets d’avocats quelle que soit leur taille, il n’est sans doute pas encore la priorité d’offices notariaux, même si les instances et quelques études sont présentes sur ce réseau pour s’adresser majoritairement à un public jeune.

Nouveau venu depuis quelques mois, Clubhouse, pour le moment accessible uniquement via une application Iphone/Ipad et joignable sur invitation ou inscription sur liste d’attente, est basé sur des échanges exclusivement audio. Elle permet d’accéder à des rooms (chambres) où s’expriment toutes les typologies des personnes professionnelles ou non sur toutes thématiques et notamment sur l’immobilier. S’informer, réseauter et ultérieurement créer ses propres événements en créant des rooms où chacun peut interagir selon un timing bien défini. (Ex : « le quart d’heure immo » du matin avec des investisseurs, avocats et notaires…).

Quel que soit le réseau social, sa bannière devra être en cohérence avec la charte graphique. Il est fortement conseillé également d’établir une charte interne à l’étude qui permet à la fois d’inciter la démarche « réseaux sociaux » tout en la cadrant selon des principes précis et diffusés au sein de l’étude.

Les relations médias

Afin d’assurer une visibilité de l’étude tant sur la presse juridique que sur la presse quotidienne nationale ou régionale, les relations médias peuvent être opportunément mises en place pour mettre en valeur le savoir-faire notarial.

Une efficace mise en place des relations presse présuppose de répondre aux questions suivantes : quels « messages » doit-on adresser ? Qui est le porte-parole ? A qui s’adresse-t-on ? Comment décline-t-on ces messages aux cibles ?

Les articles ou les alertes d’actualités proposés à la presse seront précis, neutres et de grande rigueur scientifique, reflétant ainsi le haut niveau d’expertise et de pédagogie du notaire vis-à-vis de ses clients.

Répondre à des interviews est également encouragé par la politique de communication de la profession. Pour un entretien consacré à un sujet juridique, vous aurez toute latitude d’accepter les sollicitations des journalistes. En revanche, pour promouvoir les spécificités de la profession, de réagir de façon générale sur votre activité notariale, le guide de la communication du CSN pose comme préalable une information du président de chambre en amont de l’interview[8].

Quant aux communiqués de presse (CP), le règlement national les limite par principe aux « changements de titulaire d’un office, à un nouvel associé, au transfert de locaux, à l’ouverture ou à la fermeture de bureaux annexes. Il en est de même pour la création d’office suivants [9] ».

L’utilisation du CP doit être maniée avec discernement et pertinence, afin de ne pas l’assimiler à de la publicité personnelle. Toutefois, nous le conseillons pour la création d’un nouveau service au sein de l’étude, un rapprochement de structures, une actualité juridique particulièrement importante et justifiant une contribution rédactionnelle de haut niveau par l’étude. En revanche, les CP qui ont pour objet la présentation des interventions d’associés dans des opérations, comme le font souvent les avocats, ne peuvent être initiés par les notaires.

Les relations publiques et l’évènementiel

L’organisation d’évènements est un vecteur pertinent, pour peu qu’ils se limitent aux clients de l’étude. De façon générale, pour les manifestations publiques, les sollicitations par des organismes publics ou privés, le Guide de la communication du CSN demande au notaire d’en informer au préalable sa chambre.

La sollicitation personnalisée : une opportunité peu utilisée

Désormais autorisée depuis 2 ans, La sollicitation personnalisée[10], constitue l’un des leviers possibles pour faire connaître les services de l’étude : par courrier ou par voie dématérialisée, c’est une offre de service à des personnes bien identifiées, contrairement à la publicité, qui s’adresse à tous publics et qui reste interdite.

Comment solliciter ?

Formalisme oblige, la sollicitation personnalisée doit respecter des règles précises :  soit sous la forme d’un envoi postal, soit celle d’un courrier électronique, à l’exclusion de tout message textuel par téléphone (MMS, SMS, message vocal, création de groupe WhatsApp…) ou tout démarchage physique ou téléphonique.

Les courriers postaux et électroniques doivent être adressés à une personne physique ou morale déterminée pour une offre de service spécifique et une « information sincère sur la nature des prestations de services proposées ». La sollicitation ne doit pas contenir d’élément comparatif ou dénigrant et ne doit pas être en rapport avec une affaire particulière.

Une tarification transparente

L’offre de service doit préciser les modalités permettant de déterminer son coût. La sollicitation personnalisée se distingue ainsi du devis qui détermine le montant précis de la prestation souhaitée par le client.

Lorsqu’elle présente une offre de service soumise à des honoraires libres, la sollicitation personnalisée précisera les modalités de détermination des honoraires (tarif horaire ou forfait, par exemple) et fera l’objet d’une convention. En revanche, pour une prestation assujettie à un tarif réglementé, la sollicitation personnalisée l’indiquera avec les éventuelles remises possibles.

Une sollicitation RGPD conforme

Le responsable de la protection des données de l’office notarial interviendra obligatoirement dès la conception et la réalisation de la sollicitation personnalisée, notamment pour la rédaction des mentions obligatoires et pour gérer le registre intégrant les données sensibles.

Le notaire devra s’assurer que le destinataire d’une sollicitation personnalisée par voie électronique a préalablement donné son accord pour recevoir des messages qualifiés de prospection.


[1] (Guide de la communication 2019, Conseil supérieur du notariat, p. 8).

[2]Décret n° 2019-957, 29 mars 2019 (JO 31 mars).

[3] Sagaut J.-F., Latina M., Déontologie notariale, 2e éd., Defrénois.

[4] Règlement national, 22 juill. 2014 (JO 1er août).

[5] Guide pratique de la communication, Conseil supérieur du notariat, p. 20.

[6] Guide pratique de la communication, Conseil supérieur du notariat, p. 29.

[7] Guide pratique de la communication, Conseil supérieur du notariat, p.30.

[8] Guide pratique de la communication, Conseil supérieur du notariat, p. 22.

[9] Règlement national, article 4-4-3.

[10] Autorisée par le décret n° 2019-257 du 29 mars 2019 (JO 31 mars).