Médias et justice ont toujours formé un couple à la fois indissociable et tumultueux. A l’heure des réseaux et de la « sur-information », jamais les « affaires » pénales n’auront été à ce point mé...
Marouane Nokri
De l’affaire Tapie, en passant par le procès France Telecom, les grandes affaires échappent à la seule chronique judiciaire pour faire désormais la Une des chaînes d’informations généralistes TV et Radio.
Depuis quelques années, nous constatons que ce couple atypique s’est formé sur un « double phénomène » : d’une part l’avènement et l’acceptation d’un « journalisme d’investigation » ou journalisme d’enquête, et de l’autre, une justice qui apprend toujours mieux à cohabiter avec la sphère médiatique.
Ajoutons à cela une évolution notable dans le comportement des différents acteurs issus du monde judiciaire, qui intègrent désormais au sein de leurs stratégies de défense, d’accusation ou d’instruction, les médias et ses réseaux.
Pourtant, l’article 11 du code de procédure pénale affirme le principe de la procédure secrète pour l’enquête et l’instruction. Ce texte ajoute que « toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel ». Ce secret s’impose donc aux magistrats, officiers de police judiciaire, experts, et donc aux avocats.
Ces acteurs de ce que l’on appelle la « sphère médiatico-judiciaire » sont ainsi engagés dans un système d’action fondé sur une sorte de négociation implicite. L’enjeu ? Le contrôle de l’information judiciaire. Protéger un « secret » à l’heure où l’information se diffuse au rythme des réseaux sociaux et des vidéos en ligne, relève de l’exploit.
Il est un fait que certaines informations peuvent se prévaloir du « sceau » de l’intérêt général, en ce qu’elles participent à la transparence démocratique, caractéristique fondamentale des démocraties modernes.
Pour maintenir une certaine harmonie, journalistes et sources peuvent créer leurs propres mécanismes de « régulation » qui repose notamment sur un principe de coopération, d’entente et de secret entre les différents protagonistes.
Afin de les protéger, l’Assemblée Nationale a d’ailleurs adopté le 15 mai dernier le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes.
En 1984 Jean-Michel Lambert, juge d’instruction à Épinal, est saisi de l’affaire Grégory. Il gère alors déjà 220 dossiers en cours d’instruction. Seul juge en poste, il n’a jamais été aidé par aucun de ses pairs. À Créteil, le juge Halphen est chargé de 120 dossiers dont l’affaire des HLM de la ville de Paris. Dans ces conditions, l’apport des journalistes mène parfois à de véritables instructions « parallèles » qui peuvent révéler un atout précieux. Cette coopération permet alors au juge d’orienter son enquête, de confirmer ou d’infirmer certaines pistes.
Deux motivations principales peuvent justifier cette logique de « coopération » :
Acteurs de la « sphère médiatico-judiciaire », journalistes, avocats, magistrats, unis au sein d’un même système d’action, partagent donc des intérêts bien compris. S’il est parfois d’amour, leur union est surtout de raison. La relation entre les médias et les sources n’est donc pas seulement conflictuelle, elle est aussi et surtout contractuelle.
Médias et justice ont toujours formé un couple à la fois indissociable et tumultueux. A l’heure des réseaux et de la « sur-information », jamais les « affaires » pénales n’auront été à ce point mé...
Médias et justice ont toujours formé un couple à la fois indissociable et tumultueux. A l’heure des réseaux et de la « sur-information », jamais les « affaires » pénales n’auront été à ce point mé...