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16 Feb. 2021

Rapprochement de cabinets : comment ne pas échouer

Rapprochement de cabinets : comment ne pas échouer
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En matière de rapprochement d’entreprises, les cabinets de services professionnels ne font pas exception : la grande majorité de ces opérations hautement sensibles et stratégiques échoue à créer de la valeur sur la durée.

Interview de Sébastien Baert, executive coach et conseil en organisation, spécialistes des cultures dans l’entreprise.

En matière de rapprochement d’entreprises, les cabinets de services professionnels ne font pas exception : Peu de ces opérations hautement sensibles et stratégiques parviennent à créer de la valeur sur la durée. Pour ces structures où l’affectio societatis joue un rôle majeur, il est important qu’une démarche d’intégration des cultures des entités impliquées soit rapidement menée.

Quelle est la principale raison expliquant le faible pourcentage de succès des opérations de rapprochement 

Bien souvent, la raison coupable de ces échecs se cache dans un élément qui ne figure pas en lecture directe dans les bilans des organisations. Le sujet qu’elle couvre – la culture d’entreprise, est rarement mentionné dans les comptes-rendus d’assemblée générale des associés. Et pourtant, les preuves sont nombreuses.  

En 2019, une étude du cabinet de conseil Waverstone soulignait que la principale raison derrière les échecs des opérations de fusions-acquisitions est liée à l’absence d’intégration des cultures d’entreprises, parties au projet (79 %)*.

Pour expliquer la faillite du Cabinet Dewey & Lebœuf en 2012, William Henderson, professeur de droit à l’Université de l’Indiana, indiquait que les opérations de croissance externe menée par le Cabinet avait vidé le partnership de tout élément culturel fédérateur. La recherche du profit était devenue la valeur centrale de la firme**. 

Comment définit-on la culture d’une entreprise 

La littérature académique compare parfois la culture d’entreprise à la partie immergée d’un iceberg. Sous cette image, on comprend que la culture est une dimension de l’entreprise massive et pourtant difficilement identifiable, notamment par ceux qui en font l’expérience au quotidien. 

Lors des opérations de rapprochement, la confrontation de deux cultures est l’occasion de prendre conscience des éléments différenciant – il n’y a pas deux cultures identiques, et constitutifs de cet actif stratégique. 

Selon le Professeur Edgar Schein, grand spécialiste de la question, la culture d’entreprise correspond à un « modèle d’hypothèses de base communes que le groupe a appris en résolvant ses problèmes d’adaptation externe et d’intégration interne. » Ce modèle a « suffisamment bien fonctionné pour être considéré comme valable et, par conséquent, pour être enseigné aux nouveaux membres comme étant la bonne façon de percevoir, de penser et de sentir par rapport à ces problèmes. »***

Les hypothèses de base sont nombreuses et couvrent l’ensemble des dimensions de l’entreprise. Sans donner une liste exhaustive, les hypothèses de base communes façonnent plus ou moins consciemment les termes de la mission du cabinet ainsi que ses valeurs, les règles explicites ou implicites de partage du pouvoir, le rapport à la puissance, les modes de résolution des conflits, ou encore les modes d’engagement et de motivation des collaborateurs.

Elles définissent, par exemple, dans quelle mesure, la dimension collaborative est préférée à une approche plus individualiste et concurrentielle. Un autre exemple d’hypothèse de base est la préférence donnée à la recherche de la performance sur le bien-être des collaborateurs. 

Toutes ces hypothèses forment une glue certes invisible, mais qui caractérise distinctement le cabinet et « the smell of the place »**** des autres structures.

Dans le contexte des cabinets de services professionnels, le pacte d’associés peut parfois être le lieu où les hypothèses de base ont été formellement posées si ce n’est, sanctuarisées plus ou moins précisément. Mais il est important de souligner que la culture d’une entreprise est moins une chose fixe qu’un flux constamment en évolution. Il s’agit, ici, de trouver le bon équilibre autour d’une formalisation de principes et d’une liberté d’agir et d’initiative donnant à la notion d’un « esprit cabinet » tout son sens. 

Quel est l’impact d’un rapprochement sur la culture d’un cabinet 

Une opération de rapprochement signe la mort de deux ou plusieurs structures, et la naissance d’une nouvelle entité. En raison de leurs implications multiples à tous les niveaux des cabinets impliqués, elles sont très souvent vécues comme un choc par l’ensemble des protagonistes, même ceux qui en sont à l’origine. 

Dans le cadre des rapprochements de cabinets, le maintien ou le départ des associés dans la nouvelle équipe managériale est souvent un élément majeur en raison du degré particulièrement élevé de l’affectio societatis dans ces structures. Le départ sera souvent compris comme le signe que le leadership – qui définit par le jeu de l’autorité, les grands traits de la culture, ne sera pas partagé dans la nouvelle entité.   

De manière pratique, les cultures organisationnelles en présence sont, dès la mise en travail en commun des équipes, mécaniquement confrontées les unes aux autres. De ce processus de confrontation, naîtra, in fine, une nouvelle culture établissant de nouveaux comportements, de nouvelles normes plus ou moins bien acceptés par l’ensemble des collaborateurs. Cependant, dans bien des cas, des scories des anciennes cultures seront les points de ralliement autour desquels des sous-cultures se formeront. 

Chaque collaborateur cherchera alors, plus ou moins consciemment, à appliquer les « solutions du passé » qui formaient le socle de la culture de son cabinet d’avant. Si une telle réponse peut s’avérer opérationnellement adéquate, il n’en demeure pas moins que de tels comportements qui peuvent être lus comme des résistances au changement s’avèrent être des sources d’inefficacité collective, de friction et à terme de désengagement pour les collaborateurs. 

Avec le départ des collaborateurs qui feront le choix de partir plutôt que de s’intégrer au sein du projet de la nouvelle entité et de son leadership, ces sources d’inefficacité collective, de friction et de désengagement expliquent très majoritairement les échecs des rapprochements en termes de création de valeur sur la durée.

Comment travailler à une meilleure adhésion à la culture résultant du rapprochement de cabinets de services professionnels ? 

Lorsqu’il s’agit d’obtenir l’engagement d’un individu ou d’une équipe autour d’un projet, il est généralement malvenu de chercher à passer en force et d’imposer les règles, la culture associées à la vision de ce projet. Une démarche qui impose contrevient par nature au désir de chacun de jouir d’une relative autonomie dans l’exercice de son travail. Elle conduit très rapidement à la confrontation ou au désengagement. 

A contrario, comme évoqué précédemment, adopter une approche de « laisser faire » en espérant qu’avec le temps, la culture du cabinet issu du rapprochement devienne homogène et performante, donne la possibilité à des sous-cultures issues du passé de créer des tensions et des inefficacités opérationnelles. 

Pour pallier ces écueils, la solution réside, encore, dans le fait d’adopter une approche volontariste et inclusive en impliquant le plus grand nombre de collaborateurs dans une démarche d’exploration des traits saillants des anciennes cultures et de définition de la nouvelle culture du cabinet.    

L’implication des collaborateurs permettra, d’une part, de placer chacun et chacune dans une dynamique active de nature à atténuer le sentiment d’anxiété généralement très fort à l’annonce des opérations de rapprochement. D’autre part, elle permettra aussi de tirer pleinement le bénéfice durant cette période de transition de la créativité nécessaire pour donner toute la mesure à tout niveau projet. Enfin, elle donnera l’occasion à la nouvelle structure de mieux se connaître et de mieux fédérer l’ensemble de ses ressources. Dans un environnement qui exige toujours plus d’agilité, cela permettra au nouveau cabinet d’asseoir son projet, son identité et son mode de fonctionnement sur un socle fort. 


*Fusions-acquisitions : zoom sur 4 facteurs de réussite., Les Echos, le 18 juillet 2019

**Dewey & LeBoeuf Files for Bankruptcy, New York Times, le 28 mai 2012

***Ed. Schein, Corporate Culture and Leadership, 1985

****Discours du Professeur Sumantra Ghoshal, Davos 1995.  (youtube.com)